
Pouvons-nous unir et diviser en même temps ? Oui. La France Insoumise le prouve au quotidien. Ce soir, à Paris, les Nupes organisent leur premier meeting commun pour lutter contre la réforme des retraites. Les dirigeants de la France insoumise seront là, bien sûr. Unis, concentrés sur le même objectif. Mais en dessous de la scène, le mouvement continue de s’isoler. Hier, la formation a tenu le premier “conseil politique”, mais sans Alexis Corbière, sans Raquel Garrido, sans Clémentine Autain, sans François Ruffin, sans Eric Coquerel. Certains avaient choisi de ne pas venir ; d’autres n’étaient tout simplement pas invités. En fin d’année dernière, ils avaient critiqué la nouvelle direction de La France insoumise, ses mauvais résultats, son manque de démocratie. Rien n’est figé. Les rancunes sont toujours là. Pas dans une ligne politique, comme dans un parti socialiste, mais dans une manière de faire de la politique. Sont-ils si dangereux ?
Jean-Luc Mélenchon est responsable de cette situation. Dès le début, ce mouvement a vécu au gré de ses décisions, de ses sentiments, de son enthousiasme, de ses critiques, de ses éclats. Succès : 22% aux élections présidentielles. Mais l’ancien socialiste ne peut pas préparer la suite. Quant à son avenir, il reste un mystère. Voulez-vous courir à nouveau en 2027 ? Un jour, il dit non ; le lendemain, il ouvre à nouveau la porte de l’application, et répète que l’important est ailleurs, qu’il faut travailler le contexte, les idées, le principe. Sauf que vous construisez tout le mouvement autour de vous, peu importe ce que vous dites. Il couvre La France incoumise. Même s’il prend du recul, il reste un mentor. Il a relancé son premier cercle. Les jeunes élus devinrent les gardiens du temple. Et les autres, ceux qui émettent des critiques ? Ce matin,
sur son blog, Jean-Luc Mélenchon les a également accusés de “huiler le mouvement”. Et, comme à son habitude, il s’en prend aux journalistes et à leur « bêtise ».
Une petite armée silencieuse
Sur France 2, l’autre jour, l’ancien président reconnaissait le “gros problème de la croissance”. En cela, vous avez raison. La France insoumise compte désormais 75 députés. C’est une force majeure à gauche. Il doit se réorganiser. Jean-Luc Mélenchon refuse d’être un parti, pour des erreurs de parti. Mais préférez-vous une petite armée, où aucune tête ne sort ? Il y a quelques mois, l’affaire Quatennens est devenue un tournant. De plus en plus, les dirigeants, mais aussi les militants, veulent pouvoir discuter de tout – et sereinement.
Jean-Luc Mélenchon n’est pas le seul impliqué, loin de là. Certains dirigeants l’ont laissé faire, au nom de l’unité, au nom du combat. Aujourd’hui, ils veulent plus de démocratie interne. Ils ne comprennent pas comment Manuel Bompard peut se retrouver à la tête de l’organisation, élu à l’unanimité et sans vote. Mais ces dernières années, où sont-ils passés, les fidèles parmi les fidèles ? Alexis Corbière, Raquel Garrido, d’autres encore… S’ils avaient des critiques, ils les gardaient pour eux. D’autres ont appelé au changement. C’est l’histoire de Clémentine Autain, qui a pourtant vécu dans La France insoumise. Certains ont été séparés, parfois expulsés, comme Charlotte Girard, icône du mouvement ; en 2017, il coordonne le programme de Jean-Luc Mélenchon. Deux ans plus tard, il dit au revoir, tristement, avec un constat douloureux : dans La France insoumise, « tant qu’on est d’accord, tout va bien ».
Une nouvelle ère
Mais ce qui est accepté n’est pas plus, ou de moins en moins. Parce que La France insoumise est ancienne, parce que les oukases de Jean-Luc Mélenchon inquiètent de plus en plus certains militaires, même ceux qui le respectent. Car il y a un mouvement naturel dans la vie politique : les ambitions grandissent. Les dirigeants vivaient dans l’ombre du fondateur. Aujourd’hui, ils veulent “une place au soleil”, comme disait Jean-Luc Mélenchon… tout en les critiquant. Demain, peut-être, ces élus voudront se faire élire, encore une fois, et tenteront d’entrer à l’Elysée.
La France insoumise n’explosera pas, pas de sitôt en tout cas. A l’intérieur de la formation, personne n’est intéressé. Mais le problème qui existe est mauvais, il existe. Tant que Jean-Luc Mélenchon continuera de le nier, son mouvement n’en sortira pas.