
Deux femmes, l’une blanche, l’autre noire. Complices, lubriques, amants sans aucun doute. Egal, dans tous les cas… Ecart libre envOlympie, de Manet et de Les grande odalisque, d’Ingres, Le blanc et le noir, cette toile, peinte par Félix Vallotton en 1913, est en décalage avec son temps. “Elle est une intrigue et un défi”, souligne la photographe Gloria Oyarzabal. En compétition pour le Prix de l’Élysée, décerné chaque année par le Musée de la photographie de Lausanne, l’artiste espagnol en a fait l’un des piliers de sa nouvelle série intitulée “Usus fructus abus”.
“Ce qui m’intéresse avant tout, c’est que, contrairement à ses prédécesseurs, Vallotton évacue tous les détails exotiques : pas de fleurs, pas d’ornements ni de chats.” poursuit le plasticien, nourri par la photographie et le cinéma expérimental. Juste une offre de lien “transgressif, illégal”, entre les deux femmes. Atone, le blanc bien-aimé n’est plus l’objet du regard des “homme bourgeois blanc” orchestrée par une tradition picturale séculaire, mais à ce “d’une femme “minorité ethnique” qui s’adonne à tous les plaisirs visuels que l’archétype masculin pensait lui être réservés.”
Au cours de ses nombreux voyages et séjours en Afrique, du Mali au Nigeria en passant par le Ghana, Gloria Oyarzabal a vécu avec une anxiété croissante “Privilège de la femme blanche”. le déconstruire “décentré” comme elle le résume : elle se débarrasse impitoyablement des images stéréotypées nées du colonialisme, d’un orientalisme fantasque qu’elle se sent envahi malgré elle.
Traverser le miroir
« Tout cela m’a fait entrer dans un jardin complexe et enrichissant. J’ai commencé à traverser un miroir, et j’ai peur que ce passage continue pour moi jusqu’à la fin du monde.” elle rigole. Si elle fait revivre les deux femmes Vallotton, c’est pour les placer dans d’autres situations, parées de perles, de perruques, tour à tour lectrices ou princesses. c’est comme ça qu’il apparaît “dialogue autour du genre, de la race, du colonialisme”, elle résume.
Mais ces images ne sont qu’une partie d’un projet riche qui mêle archives chinées aux puces ou dans des livres, photographies prises dans divers musées, performances, vidéos et réalité augmentée, interrogeant la colonisation des corps, la confiscation de l’imaginaire, le renversement des valeurs. « Je n’aborde jamais un sujet sans une recherche théorique intensive ; Je me nourris d’essais, de romans, de poèmes, de films, de danse, de musique, d’analyses économiques et géopolitiques, avec une préférence bien sûr pour les voix locales, locales, elle décrit. A partir de ce puzzle très éclectique j’imagine un montage. »
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